L’Equality Law Clinic (ULB) et le Human Rights Centre (UGhent) devant la Cour européenne des droits de l’homme!

Thursday November 26th, 2020

Ce 23 novembre 2020, le Human Rights Centre (HRC) de l’UGhent a soumis, en collaboration avec l’Equality Law Clinic (ELC) de l’ULB, une tierce-intervention devant la Cour européenne des droits de l’Homme dans l’affaire Y. c. France. Cette affaire traite du cas d’une personne intersexuée, à savoir une personne qui présente des variations de ses caractéristiques sexuées.  Le sexe masculin lui a été assigné à la naissance et, à l’âge adulte, Y. a introduit une demande visant à modifier le sexe enregistré dans son acte de naissance afin de le remplacer par la mention “sexe neutre” ou, à défaut, “intersexe”.


Dans un arrêt du 4 mai 2017, la Cour de cassation française s’est opposée à cette demande et a jugé que « la loi française ne permet pas de faire figurer, dans les actes de l’état civil, l’indication d’un sexe autre que masculin ou féminin » car « la dualité des énonciations relatives au sexe dans les actes de l’état civil poursuit un but légitime en ce qu’elle est nécessaire à l’organisation sociale et juridique, dont elle constitue un élément fondateur » et « que la reconnaissance par le juge d’un ‘sexe neutre’ aurait des répercussions profondes sur les règles du droit français construites à partir de la binarité des sexes et impliquerait de nombreuses modifications législatives de coordination ».

Devant la Cour EDH, Y. soutient que le rejet de sa demande viole l’article 8 de la Convention EDH (droit au respect de la vie privée et familiale), dont la dimension « vie privée » consacre un droit à l’autodétermination. C’est la première fois que la Cour EDH est amenée à se prononcer sur la portée des obligations positives et négatives des États membres s’agissant de l’enregistrement du sexe/genre au-delà des catégories  binaires .

Dans cette tierce-intervention, le HRC et l’ELC exposent d’abord le contexte juridique et sociétal dans lequel cette affaire doit être évaluée. Ils démontrent ensuite que l’article 8 de la Convention EDH, dans sa dimension positive, impose aux États membres de prévoir un enregistrement de l’identité de genre qui n’est pas limité à la binarité du sexe et du genre (ou de ne rien prévoir du tout). Cette disposition est également violée, dans sa dimension négative, lorsque les États membres imposent un enregistrement du sexe et du genre qui est strictement limité à une dimension binaire. Enfin, même si Y. n’a pas invoqué la violation du principe de non-discrimination garanti par l’article 14 de la Convention EDH, le HRC et l’ELC montrent que son grief devrait être appréhendé en combinaison  avec cette disposition dans la mesure où Y. fait partie d’un groupe vulnérable et que l’identité de genre constitue, à leur estime, un motif de discrimination suspect.

L’intégralité de la tierce-intervention se trouve ici (PDF)